Pour ses 50 ans, l’association Alsace Nature a publié un ouvrage écrit par le Sainte-Marien Gérard Freitag, et illustré par Caroline Koehly, édité par Le Verger.
Avoir une belle plume, être amoureux et connaisseur de son environnement, tout en étant à la fois dialectophone et membre d’Alsace Nature : ils ne doivent pas être nombreux à correspondre à tous ces critères. Cette perle rare, qui a déjà publié trois romans et un recueil de nouvelles, habite à la Petite Lièpvre depuis seize ans. Pour cette tâche, Gérard Freitag a été recommandé par son ami Pierre Kretz, également Sainte-Marien, qui a aussi eu l’idée de l’abécédaire.
Par son expérience de forestier et de romancier, Gérard Freitag, 65 ans, avait donc toutes les compétences pour mener à bien cette commande d’Alsace Nature, d’autant qu’il en était membre même avant que l’association ne s’appelle ainsi. Le 20 mars 1965 était née l’association fédérative régionale pour la protection de la nature… Et pour son demi-siècle, elle souhaitait publier un ouvrage, sous la houlette du bien nommé éditeur Le Verger.
Dix mois de travail
« J’ai bossé six heures par jour pendant dix mois », résume M. Freitag qui a dû respecter, pour la première fois de sa vie d’auteur, des délais de remise d’un manuscrit, en mars dernier. « Le deal, c’était que ce soit grand public. J’ai essayé de concilier, soupeser les différentes composantes, les dossiers polémiques, donner de l’information et aussi le côté naturaliste sensible, tout en n’étant pas un scientifique ni un spécialiste. »
Au départ, un listing de 200 entrées lui a été fourni, avec des passages obligés comme Marckolsheim, Fessenheim, le transport ou l’emblématique grand hamster. « J’ai pêché là-dedans, et j’ai introduit beaucoup d’articles pas prévus… » Par exemple les animaux cavernicoles (dont la chauve-souris), la mystérieuse gélinotte des bois, et même le kugelhopf, « une viennoiserie tout à fait politique et pacificatrice ».
Cet ouvrage peut se lire à partir de la première page jusqu’à la dernière, mais se picore aussi au gré de ses envies, dans le désordre, et c’est bien l’intérêt d’un abécédaire… On ne s’y perd jamais, ou alors volontairement !
D’élégantes descriptions
On retrouve les élégantes et amoureuses descriptions de Gérard Freitag, qui distille aussi toute sa connaissance, mais sans plomber les esprits, en 26 lettres et 105 articles, de A à Z, de l’abeille jusqu’aux zygènes, de petits papillons. On apprend ainsi que « les îlots inexplicables de perce-neige sont souvent la trace de ruchers disparus : l’apiculteur prévenant avait introduit là cette toute première nourriture »…
« L’objectif de départ, c’est que ce livre montre l’importance d’Alsace Nature dans ses combats pour la biodiversité. Sans elle, les choses ne se seraient pas passées comme ça. Et de l’autre, c’était de déconstruire l’image néfaste, ses membres vus comme des emmerdeurs ! Mais on peut avoir un aspect souriant, attachant et pas du tout intégriste ! »
S’il avoue avoir connu le stress du délai à tenir, pour une sortie impérative de l’ouvrage à l’occasion du salon du livre de Colmar en novembre, Gérard Freitag souligne aussi : « J’ai pris mon pied dans l’écriture ! » Il s’est appuyé sur les précédents livres (des 30 et 40 ans d’Alsace Nature), a plongé dans les archives de l’association, s’est beaucoup documenté, par exemple sur les dispositions légales… « Je ne voulais pas faire un livre prosélyte, hormis quelques articles où j’enfonce le clou. Ce n’est pas un livre de propagande, mais de sensibilisation. » Et dans ce sens, il est très réussi et particulièrement plaisant.
Elle, c’est l’aquarelle
L’ouvrage est parsemé d’une quarantaine de magnifiques aquarelles signées Caroline Koehly.
« C’est une belle reconnaissance pour moi d’avoir été choisie. Je suis honorée, car nous sommes nombreux dans ce domaine. J’ai considéré cette commande comme un beau challenge. » Un défi de tout boucler l’espace d’un été. Formée aux Arts Déco de Strasbourg, l’aquarelliste de Dambach-la-Ville n’est quand même pas une inconnue dans le milieu avec ses collaborations multiples aux éditions Terre Vivante, au magazine « Mon Jardin & ma maison », avec différentes communes pour des parcours de découvertes, des panneaux pédagogiques…
Pour Le Verger éditeur, Caroline Koehly signe donc une quarantaine de planches qui illustrent les écrits de Gérard Freitag. « J’avais une sacrée matière ! » s’exclame l’aquarelliste de 38 ans, « les textes sont déjà tellement forts, souvent chargés d’images. » Leur traduction par la peinture a été plus ou moins aisée. Ses planches descriptives animalières ou paysagères sont du petit-lait pour la trentenaire, qui a l’habitude de les croquer par ailleurs.
Le hamster dans le labyrinthe de maïs
Par contre les compositions particulières ont été plus ardues, par exemple pour composer un labyrinthe céréalier dans lequel un animal s’est perdu. « Techniquement, il n’a pas été évident de mettre un petit hamster dans du maïs de deux mètres de haut ! » Mais au final, la planche symbolise bien la réduction de l’aire naturelle de cet emblématique animal d’Alsace Nature. Tout comme les passerelles de bois reliant des îlots verts, pour expliquer le concept de Natura 2000…
« Les haies sont des tapisseries à la trame émaillée d’yeux », écrit Gérard Freitag. « Il fallait être surréaliste pour rendre une haie pleine d’yeux ! » reconnaît l’aquarelliste qui a compilé des regards de grenouilles, d’araignée, de hérisson et autre libellules dans une même planche… « Ce genre d’illustration m’a demandé le plus de travail, mais c’était aussi le plus intéressant à réaliser, car cela sortait de ce que j’avais l’habitude de faire. » Expliquer la nappe phréatique par une sorte de building d’eau surmontée d’une église, c’était aussi une pirouette, à la fois humoristique mais qui interpelle sérieusement.
« L’Alsace nature » au Verger éditeur, 152 pages, 20 €.
AM